Le Panier Bleu, Jeff Bezos et Amazon (Chronique radio)

Cet article est complémentaire à notre chronique à l'émission Québec Réveille sur CKIA animée par Marjorie Champagne.

Au printemps dernier, le gouvernement du Québec faisait l’annonce du Panier bleu. Il s’agit d’une marketplace en ligne qui permet aux entrepreneurs québécois d’y afficher leurs produits. Dès son lancement, il y avait déjà des questionnements par rapport à sa pertinence. Plusieurs experts en cybercommerce trouvaient déjà le site plutôt inutile, car la plateforme ne prend pas en charge les paiements. Le seul moyen d’acheter en ligne et de se faire rediriger vers le site web de la marque proposant le produit. En fin de compte, le panier bleu est une marketplace sans en être une.

Un système archaïque et inutile

Au lieu de créer une plateforme, le gouvernement aurait dû subventionner les entreprises pour développer leur commerce en ligne et les aider à s'opérationnaliser. L'expertise de livraison, d'opérer un ecommerce, les chaines d'pprovisionnement et tout ce qui en découle, sont des connaissances à développer pour assurer une certaine autonomie du Québec.

Le réel problème du panier bleu au-delà de son manque de réflexion profonde pour faire ressortir des réelles opportunités où résident un changement et de nouvelles façons de faire tant pour les consommateurs que pour les commerçants, est une occasion ratée pour aider tangiblement les micro PME et PME Québécoises dans le virage numérique. Le consommateur est sur le Web depuis plus de 10 ans, on assiste aujourd'hui à une hypercroissance de cette consommation, qui passe du physique au virtuelle (en ligne).

Encore plus en ligne qu’en magasin, le client doit savoir ou se diriger de manière instinctive et son cheminement doit être structuré et faciliter, en passant par le panier bleu on ajoute seulement un intermédiaire entre le client et son achat, ce qui est un frein à la conversion assez important. Au lieu de créer un catalogue, le gouvernement aurait dû subventionner les entreprises pour développer leur commerce en ligne et pouvoir se permettre de financer ce virage qui aurait dû déjà être fait avant. Une fois de plus, c'est un plaster sur une jambe de bois, au frais des contribuables.

Alors que le Panier bleu essuie plus de critiques que de compliments, notamment à cause des centaines de produits chinois et européens qui se trouvent sur la plateforme, le ministre de l’Économie annonce qu’il « rêve » de voir le Panier bleu sur Amazon. C’est le genre d’annonce qu’on s’attend à trouver sur une page de satires. Est-ce que le gouvernement connaît les pratiques d’Amazon ? Est-ce qu’il connaît sa philosophie ? Visiblement, non.

Le Panier bleu est critiqué par les médias canadiens, en premier, car son inutilité est criante et ensuite, car les centaines de produits chinois et européens qui se trouvent sur la plateforme ne sont pas sans rappeler les techniques cybercommerce utilisées par certains sur Amazon. M. Fitzgibbon souhaiterait même s’allier avec amazone pour pouvoir offrir une démarcation des produits québécois sur la plateforme de Jeff Bezos. Le gouvernement devrait agir pour le bien public, les us et coutumes utilisés dans les entrepôts d’Amazon sont à la limite des droits de l’homme, un ministre de l’économie qui devrait, peut-être, être plus sensibilisé à ce sujet.

Belle parodie durant le Bye Bye 2020 de Radio Canada du Panier bleu, ce n'est visiblement pas passé inaperçu.

L’utopie d’Amazon

M. Fitzgibbon croit certainement que s’allier avec une grande multinationale va permettre aux entrepreneurs d’ici de se tailler une place sur le marché international. Or, s’allier avec Amazon est probablement la pire idée jamais citée pour encourager les artisans d’ici. Jeff Bezos est clair sur ses intentions. Ils cherchent à prendre tous les marchés par tous les moyens. Dès qu’un produit fonctionne sur Amazon, la compagnie négocie les marges afin que les profits du fournisseur diminuent toujours plus. Si le fournisseur refuse, Amazon enlève le bouton "acheter" et déclare le produit "en rupture de stock". Le fournisseur voit alors ses revenus non pas diminué par une marge plus basse, mais coupés du jour au lendemain.

On peut même se rendre au point où le fournisseur est déficitaire et qu’il doive fermer ses portes. Peu importe, il y aura toujours de nouveaux produits et toujours plus de profits à faire sur le dos des entreprises. Plusieurs petites entreprises ont été saccagées par Amazon. Ils ont dû vendre à perte pour que leurs offres soient acceptées par la compagnie. Amazon est en fait une monarchie qui cède au commerçant une partie du royaume. Amazon « prête » des clients comme un souverain prête des terres agricoles. Est-ce ce qu’on souhaite pour les entreprises québécoises ? Est-ce qu’on « rêve » qu’ils soient à la solde de Jeff Bezos ?

Pourquoi vendre à perte pour Amazon ?

On peut penser que les entreprises qui se sont fait « vampiriser » par Amazon n’avaient qu’à refuser les conditions. Le problème, c’est qu’Amazon n’applique pas de pratiques les mettant sous pression dès le départ. Ils attendent que les produits deviennent hautement populaires. Une entreprise qui gagne en popularité doit nécessairement grossir son inventaire. C’est le principe de l’offre et la demande. Les entreprises ont alors accumulé de gros stocks de produits qu’ils doivent absolument écouler afin d’éviter la faillite. Ils sont alors obligés de se tourner vers Amazon. Si, du jour au lendemain, votre acheteur (Amazon) vous dit qu’il ne veut plus de vos produits à moins de baisser le prix de moitié, allez-vous accepter de ne vendre et ne faire aucun profit ou préférez-vous rester coincé avec la marchandise et faire faillite ? Personne n’a vraiment le choix de se plier aux politiques d’Amazon.

Les entreprises n'avaient qu'à refuser les conditions me direz-vous ? Et bien ce n’est pas si simple, le problème vient principalement du fait qu’Amazon applique ces pratiques en mettant les sociétés sous pression, une fois que le produit est devenu populaire et qu’il est bien en place, Amazon intervient à ce moment-là. Une fois que les sociétés sont bien en place dans leurs marchés, et qu’elles commencent à accumuler du stock, amazone intervient et leur demande de baisser leurs prix. La seule réponse possible et attendue par Amazon est d’accepter la baisse des prix, sinon on se retrouve avec un stock sur les bras et on perd un gros client. L’impact que peut avoir Amazon sur les entreprises est énorme. Monsieur le ministre de l’Économie ne semble pas être au courant des pratiques d’Amazon.

Et l’éthique d’Amazon ?

En plus d’adopter des pratiques commerciales anticoncurrentielles, l’entreprise est réputée pour instaurer des conditions de travail inhumaines dans plusieurs centres de distribution. Amazon a menti à de nombreuses reprises au sujet de la sécurité des employés. Des rapports démontrent qu’il est question d’une hausse marquée des accidents de travail dans les entrepôts robotisés. Pourtant, Amazon soutient que les robots sont bénéfiques pour les travailleurs. Voulons-nous vraiment encourager cela ? Le gouvernement québécois ne devrait normalement pas vouloir s’associer avec une multinationale dont le principal intérêt est le bénéfice sans se soucier de l’humain. Amazon n’est pas seulement réputé pour négliger ses employés. L’organisation est aussi réputée pour polluer massivement l’environnement, à une heure où le gouvernement Legault souhaite être plus vert, l’association est donc malvenue. L’humanité est dans une crise économique majeure et la compagnie se permet de détruire des produits invendus.

Généralement la destruction n’est pas envisageable en effet, les personnes vendant leurs produits sur amazone peuvent laisser leurs stocks dans les entrepôts d’Amazon pour pouvoir assurer la livraison en 24h, cependant si les stocks ne sont pas écoulés dans les temps impartis les tarifs d’entreposage augmentent de manière significative et peuvent atteindre jusqu'à 1000$ par mois. À ce moment-là l'entreprise a deux choix soit payer l’entreposage ou alors laisser sa marchandise à Amazon qui va procéder à sa destruction. Le caractère le plus choquant et qui démontre le côté ultra-capitaliste d’amazone est que l’organisation donne les invendus “Amazon Basics“ a des oeuvres caritatives, mais que lorsque les produits proviennent de vendeurs tiers ils sont détruits.

En janvier 2019, l’entreprise avait été pointée du doigt, car elle détruit des produits neufs qui sont stockés dans ses entrepôts. Aujourd’hui, la multinationale ne détruit plus les invendus aux États-Unis et au Royaume-Unis. Mais partout ailleurs, cela semble demeurer une pratique encore courante.

Pourquoi donner le Panier bleu à Amazon ?

Sur un plan purement stratégique, donner le Panier bleu à Amazon est une excellente idée, la société possède les infrastructures, les connaissances et les ressources nécessaires pour faire rayonner le marché québécois. Mais le problème vient du fait qu’Amazon soit Amazon, le fait que l’organisation est des pratiques qui ne sont pas éthiques que ce soit sur le plan humain et environnemental ne permet pas à une organisation gouvernementale d’avoir une alliance comme celle-ci, le Québec regorge d’expert en tout genre qui ont les capacités à valoriser le Panier bleu.

D’abord, le gouvernement devrait rendre publiques les données sur les performances réelles du site. Ce serait une preuve de transparence et les performances assurément médiocres permettraient de lancer un vrai dialogue entre les différents intervenants clés. Il faut absolument améliorer le système. Mais si on nous répète sans cesse que tout va bien, on freine le progrès. Il y a une foule d’experts au Québec qui œuvrent dans les domaines du web, du cybercommerce, de la stratégie numérique et du marketing numérique. Or, très peu d’experts ont été consultés. Où est la prise de besoins, les enquêtes utilisateurs, les sondages, les entrevues, les aides et supports, etc?

Le Panier bleu fut développé et lancé très rapidement, dans la hâte de proposer une solution pour les entreprises québécoises pour contrer la crise de la covid-19. Créer un comité d’étude sur le Panier bleu permettrait d’apporter des solutions concrètes et rapides pour améliorer le système.

En ce qui concerne les infrastructures. Le gouvernement pourrait se servir du réseau de Canada Post pour avoir des centres de distribution un peu partout sur le territoire québécois. Avec des entrepôts, Le Panier bleu pourrait tout comme Amazon permettre aux vendeurs qui n’ont pas de solution cybercommerce de vendre leurs produits en ligne directement sur la plateforme, nous passerions alors sur un vrai marketplace plutôt qu’un simple catalogue. Ça aurait un impact positif direct pour les petits commerçants et pour les utilisateurs du site.

Le fait de vouloir voir Le Panier bleu au sein d’Amazon démontre la peine qu’a le gouvernement à mettre en œuvre ses projets numériques, et son manque de vision et de leadership. L’industrie représente près de 25% du PIB global québécois il faut par conséquent en prendre soit et investir dans la production de bien fait en terre québécoise. Quels choix devons-nous faire pour l’avenir des entreprises d’ici ? Certainement ne pas les vendre à Amazon. Nous avons une foule de talents au Québec. Nous avons une place géographique incroyable, une ouverture sur l’Amérique du Nord, sur l’Europe, profitons-en pour vendre nos produits à travers le monde et favorisons l’innovation québécoise.

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Laure Gabrielle

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