La Covid et la santé mentale des entrepreneurs (Chronique radio)

Cet article est complémentaire à notre chronique à l'émission Québec Réveille sur CKIA animée par Marjorie Champagne.

On ne parlera pas de numérique dans cet article. Nous allons plutôt prendre la parole pour nos acolytes entrepreneurs de tous horizons confondus. Nous allons prendre la parole pour les milliers de microentreprises et de PME qui sont au cœur de la tourmente pour essayer de garder leurs navires à flot.

Voilà presque un an que la pandémie de Covid-19 a débuté. Beaucoup d’encre a coulé et beaucoup de choses se sont dites à propos de la pandémie et de la crise qu’elle a provoquée. Beaucoup de sujets sont abordés dans la presse à propos des problèmes que rencontre une grande partie de la population on nous parle des aînés, des personnes à risque, du système de santé, on pense aussi aux jeunes enfants, aux adolescents ainsi qu’aux cégépiens qui seront impactés négativement par la Covid.

Les problèmes de maltraitances chez les enfants, les retards de langages, l’isolement et les autres détresses seront moins bien détectés et diagnostiqués. On pense aussi au personnel médical et social qui fait face à tant de détresse psychologique et physique au quotidien.

Cependant, il y a une chose dont on parle trop peu. On parle peu de la santé mentale des entrepreneurs. On ne parle pas de la santé de ceux qui luttent tous les matins pour rester la tête hors de l’eau ou simplement pour survivre.

Aujourd’hui j’ai décidé de m’ouvrir à vous et de vous parler de la pression que ressentent les entrepreneurs depuis le début de cette pandémie, les entrepreneurs qui ont du mal à garder la tête hors de l’eau depuis le début de cette crise et qui se battent tous les jours réussir à rentrer dans leurs frais. C’est un sujet qui nous tient à cœur. Pour avoir traversé des difficultés et nous être battus quotidiennement comme beaucoup dans cette épreuve, nous avons décidé de parler d’une voix commune avec tous les entrepreneurs de ce pays.

Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Martin Enault, président de l’organisme Revivre, qui lutte pour la santé mentale des travailleurs et entrepreneurs depuis plus de 30 ans. Nous souhaitions partager les grandes lignes de cette discussion avec nos lecteurs pour qu’ils comprennent l’importance de la santé mentale.

La réalité des entrepreneurs

Depuis le début de la crise, nous assistons à une disparition inquiétante de certaines parties de notre industrie, les secteurs les plus touchés sont sans surprise l’événementiel, de la restauration, du tourisme, des loisirs, des sports, ainsi que l’aviation. La perte monétaire entraînée par ce ralentissement économique est inquiétante et nous amène à nous poser la question : qu’est-ce que cette perte représente dans les faits ?

Du jour au lendemain, les entrepreneurs se sont retrouvés avec des commerces devenus illégitimes aux yeux de l’état, car targué d'être “non essentielle”. Les commerces ont fermé, mais les échéances ne se sont pas arrêtées pour autant, beaucoup d'entre nous continuant à avoir des charges fixes a payé, comme un loyer, des fournisseurs, ou encore d’autres frais administratifs.. Au même titre que beaucoup de personnes dépendent de nous, nous avons notre propre famille à nourrir, nos salariés dépendent de nous pour nourrir la leur, avec une entreprise fermée et la saturation du marché de l’emploi, les retombées vont être catastrophiques. Essayant tant bien que mal de voir le verre à moitié plein, la plupart d’entre nous sont maintenant épuisés et stressés par la crise de la Covid-19. Comment faire face à tout ça ? On ne peut malheureusement pas se réinventer en permanence. Pour plusieurs, une reconversion à court terme est impossible.

On peut penser que les entrepreneurs ont des caractères à toutes épreuves. Pourtant, l’énergie qu’ont en commun les gens d’affaires, cette énergie qui les pousse à réaliser des projets, est aussi susceptible de les tirer vers le bas.

La prédisposition à prendre des risques et avoir une grande motivation est directement liée à l’origine de certains problèmes de santé mentale. En fait, si l’on compare les entrepreneurs à la population moyenne, on remarque qu’ils ont 10 fois plus de troubles bipolaires, 6 fois plus de TDAH, 3 fois plus de problèmes de consommation et 2 fois plus de dépressions. Mise en lumière

Un autre pan de la société qui est aussi des laissés pour compte : les policiers et les intervenants en santé mentale. Les appels à l’aide se multipliant ont une vitesse exponentielle et les signalements pour tentative de suicide augmentés avec ces derniers provoquent un débordement chez les policiers et les intervenants. Martin Enault nous dit qu’il a lui-même reçu plus de 500 appels d’entrepreneurs en détresse depuis le début de la pandémie. En 2019, c’était 1 entrepreneur sur 2 qui éprouvait des difficultés. Aujourd'hui ce chiffre est difficilement quantifiable.

Les filets sociaux sont quasi inexistants pour les entrepreneurs. Si vous possédez plus de 40% d’une entreprise, il n’y a pas d’indemnités, d’aide ou de recours en cas de perte de salaire ou de faillite. On demande aux entrepreneurs de faire une pause, sans demander aux institutions bancaires de faire de même, les factures continuent de pleuvoir au même rythme que les économies des uns et des autres sont consommées. Le raz de marée provoqué par le Covid a amené avec lui un vent de panique qui est entrain de se généralisé chez tous les entrepreneurs.

Dans les faits, 62% des entrepreneurs canadiens se sentent déprimés au moins une fois par semaine et près de la moitié estiment que les enjeux de santé mentale nuisent à leurs capacités de travailler. Ça peut avoir l’air assez banal de se sentir déprimé. Mais quand on sait que 56% des entrepreneurs ont dit avoir éprouvé un trouble mental et que le tiers ont déclaré avoir reçu un diagnostic, c’est inquiétant. Les facteurs de risques

Le stress

Rien de surprenant jusque-là, le stress est un des premiers facteurs de dépression chez les entrepreneurs. Le "multitasking" qui est une des compétences essentielles à tout chef d’entreprise a pour revers de la médaille, un accroissement du stress, en effet le fait de devoir gérer les employés, les heures de travail de tout le monde, une lourde charge mentale, et plusieurs autres tâches différentes. L’absence de routine peut en satisfaire certains, cependant elle provoque chez beaucoup d’autres un stress assez important.

Selon une étude menée par l’assemblé canadien pour la santé mentale, le constat est loin d'être positif, il est même presque alarmant : 54% des entrepreneurs sondés ont annoncé que le stress avait une incidence sur leurs productivités et que la pression constante fait en sorte que la moitié des entrepreneurs éprouvent un sentiment d’insécurité. Si seulement le stress était la seule conséquence, près d’un entrepreneur sur deux est victime d’humeur dépressive, des sauts d’humeur ainsi que des problèmes d’anxiété. Le stress a aussi des effets sur la santé physique, il entraîne des troubles de sommeil chez 56% des entrepreneurs et des tensions musculaires chez 48% d’entre eux.

L’isolation sociale

Les entrepreneurs font partie des personnes qui s'investissent le plus dans leurs travailles et par conséquent ceux qui passent le moins de temps avec leurs proches, et plus les affaires fonctionnent correctement moins vous prenez le temps de les voir. L’arrivée de la pandémie n'a fait qu’accentuer cette isolation sociale. Gabriel Marcel (philosophe français) disait “Il n’y a qu'une souffrance c’est d’être seule”.

Les retours sur investissement sont immenses lorsqu’on investit dans la santé mentale des employés. Pourquoi ne pas investir dans celle des entrepreneurs ? Après tout, il faut bien créer de l’emploi. Où iront travailler les employés dans le désert économique laissé par la Covid-19 ? Il va falloir que les gouvernements réagissent. Il est plus que temps.

Aujourd’hui bon nombre de sociétés investissent dans la santé mentale de leurs employés, cet investissement est même encouragé par le centre canadien d'hygiène et de la santé au travail. Cependant il n’y a aucun organisme public qui n’évoque la santé mentale des entrepreneurs ? Pourtant ce sont eux les premiers créateurs d’emploi. Une fois la pandémie de la covid-19 surmontée combien d’entrepreneurs ne réussiront pas à se relever ? Et combien d'emplois seront par conséquent perdus ? Les premières victimes de ce désintéressement de l'entrepreneuriat par les pouvoirs publics seront les travailleurs.

J’ai démarré mes premières entreprises à 16 ans. J’ai tout perdu à plusieurs reprises. Je me suis mis dans des contextes impossibles à plusieurs reprises. C’est presque impossible de ne pas développer des enjeux de dépression et d’anxiété quand il y a la banque qui te refuse un prêt, que tu perds un contrat et que tu ne peux pas payer tes employés. Ces événements sont traumatisants et font que tu tombes de plus en plus en burn-out. Martin Enault, président de l’organisme Revivre

La presse, La face cachée de l’entrepreneuriat: audacieux, visionnaires et… tourmentés

Voici une liste de ressources utiles si vous êtes entrepreneur et que vous vous sentez dépassé par les événements :

Revivre Suicide.ca Groupe d'entraide Le Parachute

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Laure Gabrielle

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